Quoi de neuf pour le secteur des dispositifs médicaux ?
Article édité par : Salles Propres N°129
Article écrit par : Pr E. Filaire et Dr C. Poinsot du groupe Icare
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Bien que normes et directives réglementaires ne manquent pas dans de nombreux secteurs spécifiques, le contrôle microbiologique des environnements maîtrisés propres n’était que peu normalisé. L’EN 17141:2020 s’adresse à toutes les personnes impliquées dans le contrôle de la contamination, du soutien technique à l’assurance qualité, et apporte de nombreuses précisions, notamment en ce qui concerne les dispositifs médicaux.
L’air et les surfaces sont naturellement contaminés par des micro-organismes d’origine environnementale ou humaine. La flore atmosphérique est constituée d’une flore de base, présente sur les supports que sont les poussières, et composés d’organismes saprophytes résistants à la dessiccation et aux ultraviolets : bactéries à Gram positif (Bacillus, Micrococcus, etc.) et champignons filamenteux (Aspergillus, Penicillium, Mucor, etc.). L’émission par l’homme de gouttelettes de Flügge, la formation de droplet nuclei (noyaux de condensation de ces gouttelettes) et la dissémination de squames cutanées entraînent la présence dans l’air d’une flore d’origine humaine qui comprend à la fois des micro-organismes commensaux et d’autres potentiellement pathogènes. La contamination des surfaces se fait par contact direct (mains) ou indirect (objets souillés) avec l’homme, par dissémination d’eau (milieu de vie de nombreux micro-organismes saprophytes) et par sédimentation des particules dans l’air. Cette interaction est continue. Aujourd’hui, la nécessité de se prémunir de la contamination extérieure et/ou de contrôler et maîtriser celle de l’intérieur est devenue l’enjeu de nombreux secteurs d’activité très différents les uns des autres. Néanmoins, cette préoccupation était déjà présente dès le début des années 1990, en Europe puis dans le monde, les différents acteurs des filières industrielles et sanitaires s’accordant pour publier des normes communes sur la maîtrise de la biocontamination dans les salles propres et environnements maîtrisés apparentés (la biocontamination étant définie comme la « contamination d’une matière, d’un individu, d’une surface, d’un liquide, d’un gaz ou de
l’air par des particules viables »). Le terme « environnement propre maîtrisé » est utilisé pour désigner les salles propres, les zones propres,
les zones maîtrisées, les surfaces propres et les espaces propres (définition extraite de l’EN 17141:2020).
Le contrôle de la biocontamination porte sur les microorganismes vivants, principalement des bactéries ou des champignons difficiles à détecter et à identifier. Par ailleurs, la contamination biologique peut être accélérée par la croissance des micro-organismes qui la composent. Pour cette raison, le contrôle de la biocontamination est un paramètre de surveillance critique, en particulier dans la fabrication de produits pharmaceutiques et de dispositifs médicaux.
Normalisation
En 2003 étaient publiées deux normes NF EN ISO 14698 (parties 1 et 2) portant d’une part sur les principes généraux et les méthodes de la maîtrise de la biocontamination, d’autre part sur l’évaluation et l’interprétation des données de biocontamination dans les salles propres et environnements maîtrisés apparentés. Il s’agissait du couronnement d’une évolution normative commencée depuis une vingtaine d’années, l’évolution s’étant faite de manière naturelle sous la pression des besoins industriels, des avancées technologiques en matière de maîtrise
de la contamination, du progrès des connaissances et de la disponibilité du matériel de détection et mesure.
« Le terme “contrôle de la biocontamination” reste dans le nom, bien que la norme ne prenne pas en compte les virus, les endotoxines, les prions ou le pollen. »
Néanmoins, dès sa parution, un groupe de travail européen avait identifié un certain nombre de points présentant un potentiel d’amélioration : en effet, l’ISO 14698 n’incluait pas d’orientations suffisamment claires sur les évaluations des risques et des impacts en ne mettant pas l’accent sur les différents besoins et types d’applications. Par ailleurs, elle ne faisait pas clairement la différence entre les applications aseptiques et non stériles et ne fournissait pas une aide suffisante sur les risques et les contrôles de la biocontamination aérienne par rapport à la biocontamination de surface. La frontière entre les aspects normatifs et informatifs pouvait également prêter à confusion. Parmi d’autres points d’achoppement
figurait la classification microbiologique des salles propres et environnements maîtrisés en utilisant des techniques jugées discutables.
Néanmoins, entre 2009 et 2014, le WG2 de l’ISO/TC 209 n’a trouvé aucun consensus sur la modernisation de l’ISO 14698, même si le besoin de lignes directrices pertinentes sur le contrôle de la biocontamination demeurait. En l’absence de consensus international, ce groupe de travail a été dissous, et les Européens ont préféré reprendre ce travail sur la biocontamination au sein d’un groupe de travail du CEN/TC 243 (Comité européen de normalisation), le WG5 en 2016. Il incluait des experts en microbiologie, ingénierie et disciplines connexes avec une orientation claire et une liste de tâches à compléter dans le cadre de la révision de l’ISO 14698. Cette liste incluait entre autres la manière de définir des limites d’alerte et d’action le cas échéant, la comparaison des méthodes alternatives de mesure microbiologique en temps réel (AMM) et des méthodes de mesure microbiologique rapide (RMM) et de la technologie d’échantillonnage (Murray et Durner, 20201). C’est dans ce contexte qu’une nouvelle norme pour la maîtrise de la biocontamination pour les salles propres et environnements maîtrisés apparentés a été publiée le 12 août 2020 : la NF EN 17141, en remplacement à la fois des versions françaises de l’ISO 14698-1:2003 et de l’ISO 14698-2:2003.
Points fondamentaux de la norme
Il est important de souligner que le terme « contrôle de la biocontamination » reste dans le nom, bien que la norme prenne en compte les micro-organismes, mais non les virus, les endotoxines, les prions ou le pollen. Il s’agit donc, sur la base de l’analyse de risque, de « surveiller la zone à risque de manière cohérente et d’appliquer des mesures contrôlées appropriées au degré de risque impliqué ».
Les autres points fondamentaux comprennent la différenciation entre micro-organismes viables et micro-organismes cultivables (référence à l’ISO 14644 sur la contamination non viable), et des exigences sur les méthodes de mesure microbiologique portant sur la validation des méthodes de prélèvement. À ce sujet, le fournisseur de l’échantillonneur doit démontrer l’efficacité de prélèvement de ce dernier, les techniques d’échantillonnage doivent être validées et le débit d’air volumétrique de l’échantillonneur doit être étalonné périodiquement.
Rapid Microbiology Methods et Alternatives Microbiology Methods
Une ouverture dans une annexe informative à l’ensemble des méthodes dites rapides est à noter. En effet, l’utilisation exclusive des
méthodes culturales en microbiologie environnementale laisse de côté bon nombre de microorganismes (bactéries, moisissures…), alors que les méthodes alternatives traitent, pour la plupart, de l’ensemble des micro-organismes viables. Il faut toutefois bien différencier les RMM (Rapid Microbiology Methods) qui nécessitent une courte étape de culture suivie d’une analyse au résultat immédiat (limitation aux micro-organismes cultivables) et les AMM (Alternatives Microbiology Methods) qui, en une seule étape, procèdent au recueil et à l’analyse des biocontaminants présents viables. À noter toutefois que les méthodes culturales permettent, après des analyses complémentaires biochimiques et/ou sur les milieux de culture spécifiques, d’arriver à une discrimination très poussée des micro-organismes révélés dans les prélèvements.
Une norme européenne
Cette nouvelle norme NF EN 17141:2020 n’est pas une norme ISO internationale et ne s’applique qu’en Europe, ceci pouvant induire un sentiment de confusion pour les opérations internationales. Elle cherche donc à établir les exigences, les recommandations et la méthodologie pour le contrôle de la contamination microbiologique aérienne et de surface dans des environnements propres et contrôlés, et donne des informations sur la qualification et la vérification d’environnements contrôlés propres. Elle comprend également un certain nombre d’annexes informatives qui fournissent des conseils supplémentaires sur le contrôle de la biocontamination dans des applications spécifiques, tels les dispositifs médicaux ou l’agro-alimentaire, incluant des tableaux de niveaux de propreté microbiologique pour la surveillance de la contamination microbiologique et des conseils dans des domaines spécifiques de la microbiologie allant du contrôle relatif au choix des méthodes d’échantillonnage de surveillance environnementale (EM), à la gestion et à l’évolution des données collectées et au rôle des systèmes de détection microbiologique alternatifs et en temps réel. Les annexes de la norme couvrent également les méthodes appropriées pour établir le contrôle, sélectionner les niveaux d’alerte et d’action appropriés ainsi que les niveaux cibles selon les besoins, et pour établir un plan de surveillance microbiologique de l’environnement dans le cadre de la démonstration du contrôle de l’environnement propre et contrôlé. Dans ces sections, des références à un certain nombre d’autres directives de l’industrie, telles que les BPF et la pharmacopée, sont réalisées. D’une manière générale, cette norme est fondée sur une approche de gestion des risques qualité, point 1.7 des BPF de l’UE qui est actuellement en consultation. Elle comprend des sections sur les sources potentielles et les voies de contamination, l’évaluation des risques, l’établissement d’un plan, l’interprétation des résultats et l’intégrité des données. Elle spécifie des méthodes pour une évaluation cohérente des zones de risque à surveiller et l’application de mesures de contrôle en fonction du niveau de risque existant. Ainsi, cette évaluation des risques doit être documentée et inclure une justification scientifique quant à l’atténuation du risque et au risque résiduel. Elle doit faire l’objet en outre d’une réévaluation régulière.
Lignes directrices concernant les dispositifs médicaux
On peut remarquer que les lignes directrices pour les dispositifs médicaux de l’annexe B informative occupent près de la moitié de l’ensemble de la section informative. Trois exemples sont donnés et le tableau B1 de l’annexe portant « sur les limites recommandées pour la surveillance de la contamination microbiologique en environnements propres maîtrisés pendant la fabrication des dispositifs médicaux » s’aligne sur le tableau correspondant de l’annexe 1 des BPF de l’UE. On peut regretter l’absence d’explications concernant les liens possibles à effectuer entre les catégories 1, 2, 3, 4 et les classes pharmaceutiques A, B, C et D ainsi qu’un manque d’accompagnement dans la lecture concernant les limites, notamment pour les catégories 1 et 2 qui concernent les dispositifs obtenus par filtration aseptique.
De la même manière, après une figure B1 (p. 27) très pertinente intitulée « Exemple d’évaluation des risques microbiologiques pour un produit ou un dispositif médical», aucune correspondance n’est faite avec le tableau B1 (p. 30) ayant trait aux limites recommandées pour la surveillance de la contamination microbiologique pendant la fabrication des dispositifs médicaux, même si des exemples sont proposés.
Méthodes d’échantillonnage
Une attention particulière est donnée dans cette annexe B quant aux différentes méthodes à utiliser pour l’échantillonnage, en particulier concernant le volume de prélèvement à prévoir (au moins 100 litres pour une mesure active) et les fréquences d’échantillonnage de routine pour l’air actif (tableau A). Les fabricants de dispositifs médicaux auront du mal à justifier des fréquences inférieures. Par ailleurs, il sera difficile pour un dispositif médical rentrant dans une classe ISO 5 (qui correspond à un flux unidirectionnel) de respecter la surveillance de routine indiquée (jusqu’à plus d’une fois par jour par poste) (tableau A). Il est à souligner que cette fréquence peut être redéfinie à l’aide des analyses de tendances et d’une justification scientifique lors de l’évaluation des risques.
Le plan de surveillance microbiologique de l’environnement spécifie le nombre d’emplacements de mesure à la fois pour les prélèvements d’air actif (N / 3) avec un minimum de 1 sur chaque zone de travail, N étant le nombre minimal d’emplacements déterminés conformément à l’EN ISO 14644-1:2015.
Surveillance du personnel
Concernant la surveillance du personnel, une approche systémique a été proposée afin de contrôler la contamination (environnement proche de travail, personne et air). Même si cette vision systémique est intéressante, on peut regretter l’absence de renvoi au paragraphe traitant du nombre d’emplacements de mesure (paragraphe B4.3.1). Des précisions quant aux micro-organismes recherchés au niveau capillaire auraient pu être fournies (exemple de bactéries et champignons) ainsi qu’un taux de recouvrement minimal.
Incubation
Dans l’annexe E, on retrouve une section portant sur les méthodes de mesure microbiologique, couvrant le choix de la méthode, les échantillonneurs d’air, les milieux et l’incubation.
Des précisions quant à l’incubation sont apportées. Celle-ci doit se réaliser entre 30 et 35 °C pendant minimum 3 jours, cette fourchette de températures convenant à la croissance de nombreuses bactéries. L’incubation à 20 et 25 °C pendant 4 jours minimum convient à la croissance de certains champignons, les durées d’incubation et les températures devant être justifiées. Une tolérance de ± 2,5 °C par rapport à la température cible est tolérée. On remarque donc qu’un cadre avec des conditions moyennes est donné même si naturellement ces conditions sont dépendantes des micro-organismes.
Il est à souligner que le Groupe Icare avait depuis 2007 travaillé sur ces problématiques de conditions de croissance favorable à la flore fongique et microbienne, des préconisations pour chaque microorganisme ayant été données et appliquées au sein des différents laboratoires. Ainsi, il est préconisé une période d’incubation à 30-35 °C pendant au moins 3 jours, suivie d’une période d’incubation entre 20 et 25 °C pour une durée totale de 7 jours. Ces préconisations rejoignent les précisions de l’EN 17141:2020.
Synthèse
Le terme « environnement propre maîtrisé » est utilisé pour désigner les salles propres, les zones propres, les zones maîtrisées, les surfaces propres et les espaces propres. Il fallait une norme européenne dans ce domaine car, bien que les normes et les directives réglementaires ne manquent pas dans de nombreux secteurs, le contrôle microbiologique des environnements maîtrisés propres n’était que peu normalisé. En effet, dans les industries de l’agro-alimentaire, s’il existe des réglementations et des normes sur les aliments et les boissons, les directives concernant le contrôle microbiologique dans des environnements propres maîtrisés étaient insuffisantes. Il est important de noter que la norme EN 17141:2020 s’adresse à toutes les personnes impliquées dans le contrôle de la contamination, du soutien technique à l’assurance qualité. Elle aide à augmenter l’efficacité de la gestion des risques liés à la contamination microbiologique, à améliorer l’efficacité, à développer l’expertise en gestion des risques des individus qui s’engagent avec ses principes et, le cas échéant, assurer l’alignement avec les attentes de l’autorité de régulation en matière de conformité continue et d’approbation des processus. Les annexes informatives donnent des tableaux des niveaux de propreté pour la surveillance de la contamination microbiologique dans des types spécifiques d’environnements propres maîtrisés et offrent des conseils supplémentaires sur le choix des méthodes d’échantillonnage de surveillance environnementale, la gestion et les tendances des données collectées, et le rôle des systèmes de détection microbiologique alternatifs et en temps réel. Pour établir un contrôle microbiologique, il est important de comprendre les risques de contamination microbiologique. Ceci est réalisé en considérant les sources de contamination microbiologique, les concentrations microbiologiques associées, la probabilité de transfert et l’impact sur la qualité du produit, le patient ou le consommateur.
Bien que critiquable sur certains aspects, des avancées sont inscrites dans cette norme comme la différenciation entre micro-organismes viables et cultivables, l’ouverture à l’ensemble des méthodes dites rapides et l’analyse de risque, de sorte que soient appliqués les contrôles appropriés.
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